Flore des sous-bois frais et humides accueil atlas ⮝

Le relief de la vallée du Petit-Morin, accentué par les profondes entailles creusées par une série de ruisseaux dévalant les versants, apporte aux paysages forestiers une ambiance particulière. Certains boisements sont anciens de plusieurs siècles, un ensemble de plantes très rares y a été identifié, dont la plupart apprécie la fraicheur et l'humidité des versants mal exposés.


Des forêts qui ont traversés les siècles.

Un vallon encaissé dans la vallée du Petit MorinUn vallon encaissé dans la vallée du Petit Morin.

Les bois et forêts occupent une surface non négligeable du Parc Naturel Régional en projet, sur le plateau de la Brie autant que dans les vallées. Bien que d'autres sites, comme la forêt de Doue, soient dignes d'intérêt, nous nous intéresserons ici plus particulièrement à ceux des coteaux des vallées du Petit-Morin qui présentent des aspects remarquables et que nous avons davantage exploré que d'autres secteurs.

Au premier abord, on note l'originalité paysagère de ces boisements du fait du relief, souvent accentué par les ruisseaux qui dévalent les flancs de la vallée et les entaillent profondément. Une observation plus attentive permet de découvrir une flore originale souvent liée à l'humidité et à la fraîcheur.

Du point de vue climatique, nous sommes situés dans la partie la plus continentale de l'Ile-de-France. Il fait donc ici un peu plus froid, et la pluviosité est un peu supérieure que dans le reste de la région. Le relief peut accentuer ou atténuer cet aspect, le versant exposé au sud-ouest bénéficiant de plus de chaleur - sauf dans les vallons - que celui exposé au nord-est, particulièrement frais et humide.

Au fil du temps, la localisation et l'étendue des boisements a pu évoluer. Malgré son imprécision la carte de Cassini, publiée au 18è siècle, est un des plus anciens témoignages de leur répartition.

Carte de Cassini - vallée du Petit Morin

Carte générale de la France établie sous la direction de César-François Cassini de Thury, publiée en 1757 [consultation sur le site de la BNF] - Zoom sur la vallée du Petit-Morin.

Ce document atteste de la présence ancienne de milieux forestiers sur les flancs de la vallée du Petit-Morin, même s'il ne permet pas une comparaison précise des surfaces. D'autre part, en consultant la source, on pourra constater que la moindre présence de boisements en vallée du Grand-Morin est tout aussi ancienne, peut-être du fait d'un relief moins accentué facilitant les usages agricoles. La présence de très nombreux étangs est aussi à remarquer. La plupart ont disparu entre la révolution et le premier tiers du 19è sicèle [document: Les étangs briards de la région de Meaux à la veille de la Révolution].

carte d'état major (1820 - 1866) vallée du Petit Morin

La carte d'état major (1820 - 1866) [consultation sur le géoportail - accès à la légende] Note: d'autres couches sont facilement accessible avec ce lien, notamment les cartes IGN de 1950 et les photos aériennes 1950-1965.

La carte d'état major (1820 - 1866) et d'autres cartes ou photos aériennes plus récentes, permettent une meilleure comparaison des limites des boisements et de leurs évolutions. Certaines surfaces sont boisées depuis au moins deux siècles. Celles apparraissant sur la carte de Cassini ont au moins trois siècles, et probablement d'avantage sur les reliefs les plus accidentés ou les moins bien exposés, qui sont peut-être boisés depuis le néolithique. Cette persistance d'un paysage forestier au fil des siècles a permis le maintien d'une flore originale dans les sous-bois.

Un vieux hêtre dans la vallée du Petit MorinUn vieux hêtre (peut-être 3 siècles). Ils sont devenus rares en Brie des Morin.

Un autre aspect qui a pu évoluer au cours du temps est l'intensité - ainsi que d'autres caractéristiques - de l'exploitation du bois. Les travaux forestiers influent sur la physionomie et la composition floristique des boisements. Le charme est par exemple nettement favorisé depuis longtemps au détriment du hêtre qui serait nettement plus abondant en l'absence d'activités humaines. La gestion forestière influe aussi sur la physionomie de la forêt en sélectionnant les classes d'âge des arbres. Les vieux arbres sont ainsi peu nombreux, et les trognes (charmes taillés en têtard souvent riche en cavités) qui ont servi très longtemps à limiter les parcelles forestières jouent un rôle de refuge sans doute non négligeable pour tout un cortège notamment faunistique (cf. les syrphes par exemple. Les chauves-souris peuvent aussi y trouver un gîte). Certaines pratiques actuelles comme les coupes à blanc sont par ailleurs défavorables à la diversité biologique et devraient être évitées, tout particulièrement là où des espèces menacées sont localisées.

 

Milieux forestiers et botanique.

Un document très détaillé du Conservatoire Botanique National du Bassin Parisien [Cartographie des végétations de la vallée du Petit Morin De Verdelot à Saint-Cyr-sur-Morin - Jérémy Détrée, CBNBP, délégation Île-de-France, janvier 2016] distingue plusieurs végétations forestières bien différentes, chacune étant caractérisée par un ensemble de plantes, un cortège floristique incluant toutes les strates des arbres aux herbes, et qui peut être plus ou moins complet, avec un état de conservation variable. Ces types de milieux forestiers sont souvent difficiles à distinguer sur le terrain, il faut analyser l'ensemble de la flore, et celle-ci peut être incomplète et peu caractéristique.

Vallon forestier dans la vallée du Petit Morin avec Polystichum aculeatumVallon creusé par un ruisseau. Bois mort abondant favorable à une faune diversifiée, Fougère protégée Polystichum aculeatum.

Les Hêtraies-chênaies mésophiles acidiclines à calcicoles occupent environ les deux tiers de la surface boisée, avec des variations selon l'orientation et la nature du sol. Les Chênaies-frênaies fraîches sont également bien représentées, notamment sur les versants exposés au nord et sur des sols un peu plus humides, parfois en mosaïque avec la Hêtraie-chênaie. Les Frênaies de ravins et de pentes fraîches sont plus localisées, sur les pentes les plus raides et notamment là où des ruisseaux ont profondement entaillé les coteaux. En fond de vallée, l'aulnaie-frênaie riveraine et une Aulnaie marécageuse localisée à Saint-Cyr-sur-Morin bordent le Petit-Morin.

Oxalis acetosellaLe délicat et rare Pain de Coucou Oxalis acetosella fleurit au printemps.

La floraison printanière est spectaculaire et colorée dans les Hêtraies-chênaies mésophiles et les Chênaies-frênaies fraîches, les Primevères élevées, Jacinthes des bois, Anémones sylvie, Isopyres faux pigamon, Pains de coucou et Jonquilles peuvent être abondantes. L'Isopyre faux Pigamon, qu'il ne faut pas confondre avec l'Anémone sylvie, mérite une mention particulière parce qu'il est bien représenté dans la vallée du Petit-Morin mais presque totalement absent du reste de la Seine-et-Marne; et il s'agit probablement de la plus belle population d'Ile-de-France. La flore forestière de la Brie des Morin menacée à l'échelle régionale se trouve essentiellement dans les boisement frais et humides, mal exposés et probablement très anciens. Certaines espèces peuvent être qualifiées de sub-montagnarde car elles recherchent des conditions climatiques semblables à celles que l'on trouve plus en altitude, et elles sont souvent mieux représentées en montagne.

 

Enjeux à l'échelle du Parc Naturel Régional en projet.

La préservation de ces milieux forestiers et de leur originalité s'inscrit pleinement dans le cadre d'un Parc Naturel Régional. Les populations de plusieurs espèces de leurs sous-bois ont une importance régionale car on les retrouve peu ou pas dans d'autres secteurs de la région. C'est notamment le cas de la Laîche à épis grêles Carex strigosa, du Bois-joli Daphne mezereum, du Millepertuis Androsème Hypericum androsaemum, de l'Isopyre faux Pigamon Isopyrum thalictroides, de la Raiponce en épi Phyteuma spicatum, de la Clandestine écailleuse Lathraea squamaria, et de l'Anémone fausse-renoncule Anemone ranunculoides.

L'étude du Conservatoire de Botanique explique que la gestion forestière est actuellement souvent radicale et peu propice au maintien de la biodiversité. Les coupes à blanc sont particulièrement défavorable pour certaines plantes qui supportent mal l'ensoleillement.

Il serait par ailleurs utile de prévoir, dans le cadre du projet de Parc Naturel Régional mais aussi du site Natura 2000 du Petit-Morin, des ilôts de vieillissement ou bien des réserves intégrales sur les surfaces identifiées comme à forte valeur patrimoniale.

 

Documents:

Liste rouge régionale de la flore vasculaire d'ile-de-france actualisee - Conservatoire botanique national du Bassin parisien délégation Île-de-France, coordiation Natureparif.

Cartographie des végétations de la vallée du Petit Morin De Verdelot à Saint-Cyr-sur-Morin - Jérémy Détrée, CBNBP, délégation Île-de-France, janvier 2016